Aux apprentis philosophes – Ainsi désires-tu être sage ? Tu aimerais gonfler toi-même ta propre bouée qui te permettra de nager au milieu de cette marée noire d’idées. Un océan pèse sur ton esprit, et tu réalises soudainement combien tu ne sais pas respirer sous cette eau trouble et amère, salée et visqueuse. Vas-y ! Gonfle ta bouée ! Construis ton radeau ! Mais avec quel oxygène pourras-tu tenter ta remontée à la surface ? Où trouveras-tu le bois nécessaire pour combattre ta noyade ? Nous autres, les sages et les promoteurs de la morale, nous ne sommes que des épaves coulées au fond de ces ténèbres humides. La plupart d’entre nous ne sont devenus que des ancres coincées sous la surface. Nous voyons ces eaux toxiques et ne faisons que les ressentir au plus profond de nous-même. Il nous arrive parfois de ralentir ce courant ravageur, sans pour autant l’exterminer. Peut-être finiras-tu aussi par t’effondrer sous ces vagues avec tous ces autres condamnés. Il ne te restera plus alors qu’un maigre espoir qu’un jour nous feront barrage à ces eaux sombres et que de nos corps affalés émanera cette clarté dont nous avons tant voulu en saisir l’éclat à la hauteur des vagues. Peut-être réussiras-tu à te faire repêcher par des marins inconnus et imperceptibles depuis ces bas-fonds et si tel est le cas, je t’en prie, ne retombe pas à la mer au risque de noyer avec ton cadavre ta découverte mystérieuse.